Chronique Terrienne n° 261 Après notre “Passé composé” (voir CT n°258) cette chronique traitera du “Passé proche”, càd de la petite histoire à trente, cinquante ou cent ans d’aujourd’hui. En effet qui peut vraiment parler avec détail de la vie de son arrière-grand-père par exemple ? Entre notre présent et la grande histoire, souvent l’amnésie nous guette. Je vous conterai donc ici, deux histoires différentes de ma petite histoire récente. Des faits et évènements que j’ai redécouvert ces derniers temps à l’occasion de lectures. Remontons à 1977, c’était au siècle dernier et j’avais 15 ans !

Lorsque dans une librairie de Chambéry où j’aime flâner, je tombe sur la collection “Historiettes de Savoie”, mon regard est accroché par le nom “Pilotaz”, qui me disait quelque chose de ma jeunesse. En effet, je me souvenais avoir accompagné mon père* chez un petit tailleur de la ville, un ancien Pilo ! Pendant la décennie des années 80, “Lord Sabrett” a fait le bonheur des costaux qui ne trouvaient pas leur bonheur dans le prêt-à-porter. Papa en était et louait le professionnalisme d’Ettore et son étonnant rapport qualité/prix. Cet ouvrage** me fit découvrir la saga de cette société de confection textile du nom de René Pilotaz (de 1937 à 1980), mais surtout qu’au cœur du centre de Chambéry, alors que j’y entrais au lycée en 1977, plus de 800 “petites mains” (d’origine italiennes surtout) œuvraient à la réalisation de vêtements !

La narration de l’intégration de générations d’italiens qui fuyaient la pauvreté ou le fascisme est passionnante. Certains patronymes me sont connus. Une belle leçon de courage et d’abnégation. Agrémenté de témoignages, je vous conseille la lecture de cet ouvrage qui comporte quelques photos d’époque.

Dans la série, “c’était mieux avant”, je vous propose maintenant avec ironie les “années de plomb” côté Grenoble. Traumatisé par le meurtre du proviseur du Lycée Jean Bart (rebaptisé depuis de son nom : André Argouges), où j’aurais pu être scolarisé, vous souvenez-vous que quelques années plus tôt la nouvelle Bourse du Travail (la plus belle de France à La Villeneuve) a sauté ? Un grand bâtiment tout neuf, réduit en ruine par deux bombes qui explosent la nuit du 22 avril 1977. Miracle : pas de victime alors qu’une bombe avait déjà explosé deux semaines plus tôt sur le campus (apparemment le décédé était le terroriste). Revendiqué par “le front d’action fasciste”, sans le moindre indice, l’enquête s’enlisa. “L’attentat tombe dans l’oubli, chassé par les autres, partout” dixit l’article*** que j’ai lu sur ce sujet.

Ainsi les choses se succèdent-elles dans nos sociétés et dans nos vies, où l’amnésie peut souvent nous aveugler. L’accélération de ces 30 dernières années accentuant le phénomène, n’omettons pas d’avoir régulièrement un œil dans le rétro. Il nous permet de mieux comprendre la vie, nos vies, tout simplement. JMP

* Né un 14 juillet comme aujourd’hui 😉

** “L’Atelier PILOTAZ” de François Forray (Editeur : La Fontaine de Siloé – 2021 – 150 p.)

*** “Le Dauphiné Libéré” du 28 avril 2024 : “Qui a fait sauter la bourse du travail ?”

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