Chronique Terrienne n° 286 Quarante ans plus tard, l’un de mes fils m’a pris une photo, là où tout a commencé pour la carrière (et bien plus) du coach-motard que vous connaissez. Au 20 La Canebière (à Marseille donc), à deux pas du Vieux Port, en 84/85 du siècle précédent, mon premier vrai boulot : un statut de VRP (salarié CDI temps plein) dans la prestigieuse Agence Havas de l’époque. Aujourd’hui Havas appartient au Groupe Vivendi et la Régionale de Marseille semble avoir disparu de la Canebière (Havas Voyages, qui était au RDC est passée dans l’angle de la rue d’à côté) mais aucune trace de ce prestigieux passé ne subsiste de nos jours. Havas était le premier Groupe de pub Français.

Le fiston a fait une minute de silence devant cette porte close et anonyme, pour son jeune commercial de père qui démarra sa trajectoire officielle ici (juste en sortant de l’armée en Franche-Comté). Il sait que je n’aurais rencontré leur mère sans avoir pris le cap au sud en septembre 1984. Il en faut parfois de peu, car j’avais bien failli partir pour Angers sur un poste de chef de produit dans une PME fabriquant des crèmes glacées. Ma carrière aurait-elle été plus belle ? Certainement dans les étés de canicule (!) Pas si je me remémore la suite : les soirées au foyer, une amitié, un officier, un anniversaire, mon cœur à l’envers… et six ans plus tard, tous les trois, ils étaient nés…

Mais laissez-moi vous parler de ma vie marseillaise.* Je l’ai déjà conté ici ou là, venant du pays du comté, que je quitte le jeudi pour rejoindre donc le sud, opérationnel dès le lundi. Je suis le quinzième dans l’équipe de vente de la Régie publicitaire du Groupe Publi 7, filiale d’Havas à Marseille. Chaque semaine, c’est 450 000 exemplaires de publications** qui sont réalisées, imprimées et distribuées gratuitement en boîtes aux lettres. En langage marketing on parle de pénétration massive. Hervé, notre Chef des ventes aime Agathe en secret. Elle travaille au studio, dans une petite équipe qui monte les maquettes des pages manuellement (la PAO n’arrivera que dans quelques années). C’est un ancien de mon école, il est bienveillant avec moi qui doit aborder notamment deux défis, après avoir trouvé un toit dans cette citée grouillante : la nutrition et la mobilité.

Ce sont les débuts en France du fast food. Je ne jouais pas au Casino pourtant j’allais chez Quick,** *parce que c’était quick de dîner en bas du bureau quand la cantine de mon foyer de jeunes travailleurs, proche de la gare Saint-Charles, était fermé car il était 20h00. Parfois je comptais et recomptais mes piécettes pour vérifier que je pouvais me payer un second hamburger au bacon. Je ne vous la fais pas façon Zola et les Misérables (vous ne me croiriez pas) mais une forme de frugalité habitait mon début de vie professionnelle à Marseille, une ville où je ne connaissais personne avant d’y arriver… Les rencontres avec les clients étaient très variées. Certains charmants, d’autres très durs en affaires, d’autres encore ne me semblaient pas très honnêtes. Je me souviens de Catherine, de Barbara, de Jean-Pierre, parmi mes collègues les plus chaleureux. D’un client patron d’une crêperie dans une ruelle derrière le Vieux Port qui m’offrait gentiment toujours un pot lorsque je passais le voir. Il avait lancé son affaire en même temps que mon arrivée sur la ville et je l’écoutais me parler de ses projets et de ses problèmes. On avaient sympathisés. Ma soirée de départ, fin 85, fut organisée chez lui.****

L’autre souci, important : pour visiter quotidiennement les clients il fallait pouvoir se déplacer aisément. Bien que le métro soit tout neuf, il était restreint et les bus n’étaient pas très agréables. La voiture était inenvisageable (question de budget et de trafic déjà saturé en centre-ville). J’optais alors, à la fin de ma période d’essai, pour la moto. J’ai passé ainsi mon permis en cet hiver redoutable 84/85, parfois à travers des congères sur les trottoirs (bien négocié par moi le montagnard). J’ai donc circulé en deux-roues pendant des mois dans cette agglo bondée, moins bien équipé que de nos jours (j’en frémis vraiment en y repensant).

Bref, vous l’avez compris, au vin La Canebière, sous le regard de la Bonne Mère, on ne pouvait pas boire de vin mais juste à côté on pouvait voir (mo)tôt ou tard de drôles de lascars ! En tout cas, je flippais en la garant. La ville n’était pas sûre. Un jour sur l’accès à l’autoroute d’Aubagne, j’allais perdre ma roue avant, un boulon manquait à l’appel. Etrange (?) j’ai pu stoppé sans tomber et traversé la totalité de la cité à pied en poussant ma 125 pour l’amener à l’atelier. Cet incident, qui aurait pu être grave, est de ceux qui ne m’ont pas donné toute confiance dans ce coin de France, où finalement je ne suis pas resté.

Au vingt, mes souvenirs sont mitigés, mais en finalité, tous ces efforts ne furent pas vains. JMP


*Un poème à ce propos : https://jmponcet.fr/2025/02/23/mon-vieil-attache-case*

** Le plus gros hebdo “Marseille 7” pouvait avoir 64 voire 72 pages au format tabloïd élargi !

*** Quick faisait partie du Groupe Casino à l’époque (aujourd’hui il est dans le giron de Burger King).

**** Un autre poème à ce sujet : https://jmponcet.fr/2025/03/16/6783/

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