Chronique Terrienne n° 250 “On n’a d’opinion arrêtée que de ce que l’on ne connaît pas” a dit Gabriel Marcel. Un ami entrepreneur me confiait n’être abonné à aucun journal et finalement ne lire que des news sur internet (la plupart du temps via son portable entre deux RDV professionnels). Moi, homme de communication, ayant travaillé pour trois journaux dans mon parcours à Marseille, Paris et Lyon, je veux aborder avec vous ici la presse / les médias / les fake news / l’info en continu et ce syndrome de l’infobésité.
Face à l’accroissement constant de la quantité d’informations qui nous assaille, être actif donc sélectif dans nos sources de lecture et nos médias est devenu crucial. Les données à traiter de nos jours par un humain (en démocratie) sont à un niveau historiquement jamais atteint. Car c’est de santé mentale dont il s’agit, autant que de libre arbitre. “Connaître, c’est comprendre.” disait Nietzsche. S’il n’a jamais été aussi facile d’avoir accès à de l’info., je rajoute : “Qui n’entend qu’une cloche, n’amasse pas mousse” !
“Les attaques du 7 octobre ! Quelles attaques ?” Amina ignore ce qui s’est passé ce jour-là.*
Ainsi, si un homme bien informé en vaut deux, notre défi est bien de lutter contre nos stéréotypes, notre stress, la prime au spectaculaire et la méfiance face à la nouveauté. Quand le monde est un village, l’info en continue peut aussi rendre fou. De plus, des malins y vont à cœur-joie pour désinformer.
“Prenons acte du fait que la bonne vieille fake news à la papa est en voie de disparition et saluons l’éblouissante et bluffante deepfake. Ainsi, la réalité se dissout dans des océans de gros vilains mensonges, son terrain est rogné par la gloutonnerie des vérités alternatives” écrit l’écrivain grenoblois Philippe Napoletano. “A la fête foraine de l’angoisse, il n’est pas nécessaire de prendre tous les manèges” dit Alexandre Jollien.
S’informer avec calme, recul et confiance est plus que jamais nécessaire aujourd’hui.
La 37ème édition du “baromètre confiance dans les médias”* nous a livré de tristes statistiques : plus d’un tiers des répondants déclarent se sentir “angoissés ou impuissants” face aux informations. 51% estiment souvent ressentir de la fatigue ou du rejet par rapport à l’actualité et aux informations, surtout le traitement répétitif des mêmes sujets (48%). Quant au financement de médias sérieux et fiables, je trouve alarmants les chiffres de ce même sondage de fin 2023.** Pour faire bref, 70% de nos contemporains ne veulent rien payer pour de l’info. de qualité.
Les Etats Généraux de l’Information*** actuels, dont l’enjeux principal, “Comment construire une information qui renforce la démocratie ?” ont permis une contribution citoyenne (100 citoyens au CESE)*** articulée autour des 5 thèmes suivants :
Thème 1 – Comment la technologie change-t-elle notre rapport à l’information ?
Thème 2 – Comment restaurer la confiance envers les médias ?
Thème 3 – Qui doit payer pour une information de qualité ?
Thème 4 – Comment lutter contre les manipulations de l’information ?
Thème 5 – Quelle régulation efficace pour les médias traditionnels comme pour les nouveaux acteurs ?
Le rapport final formule des préconisations concrètes pour enrichir les réflexions des groupes de travail et du comité de pilotage des EGI.**** Espérons que nous pourrons collectivement percevoir des avancées rapidement, car le déluge d’informations reçues au quotidien submerge notre cerveau. Cette infobésité contribue à notre épuisement mental.******
Chacun, nous devons développer une écologie de l’information et du divertissement pour en finir avec le superflu et le nocif, afin de favoriser une bonne santé informationnelle. Sachons bien qu’une information de qualité c’est-à-dire objective, exhaustive et approfondie coûte cher. Il nous faut être contributeur pour financer en même temps notre équilibre personnel et notre démocratie Française ! Je lis personnellement trois hebdos, deux mensuels, un quotidien et pas mal de livres. J’ai aussi abonné, dès 4 ans mes petits-enfants à un périodique jeunesse adapté, car je sais qu’un enfant sur quatre en France ne lit aucun livre dans l’année, alors que tout commence au départ. JMP
* L’incroyable désinformation des jeunes dans les quartiers populaires (Le Point 18/02/2024) : l’écrivaine Caroline Boidé a recueilli la parole d’adolescents pour qui les réseaux sociaux sont la seule source d’information. “Les attaques du 7 octobre ! Quelles attaques ?” Amina ignore ce qui s’est passé ce jour-là. Ses deux amies n’en savent pas davantage. Elles ont 15 ans et vivent au Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie.
** 37ème édition du “baromètre confiance dans les médias” – Sondage Kantar pour le quotidien national La Croix (6 décembre 2023) :
18% seulement des français interrogés déclarent dépenser de l’argent pour être informés de l’actualité.
67% ne sont ni prêts à souscrire un abonnement, ni payer ponctuellement un contenu.
64% ni faire un don ponctuel ou régulier.
27% des cadres et seulement 13% des ouvriers sont prêts à s’abonner.
53% ne sont pas prêts à visionner des publicités pour accéder à une information.
*** Etats généraux de l’information (EGI) est un grand débat sur l’information : https://parlonsinfo.lecese.fr/quoi/
(Les États généraux de l’information ont été lancés à l’initiative du Président de la République en juillet 2023 dans l’objectif d’établir un diagnostic sur les enjeux liés à l’information et de proposer des actions concrètes qui pourront se déployer aux plans national, européen et international. Ces États généraux se déroulent entre octobre 2023 et mai 2024).
**** 4 journées délibératives au Palais d’Iéna, les 27 et 28 janvier et les 3 et 4 février 2024, avec 100 personnes tirées au sort parmi les participants à la consultation en ligne organisée à l’automne dernier (au CESE, dans le cadre du partenariat entre le Conseil économique, social et environnemental, et les EGI.
***** https://www.lecese.fr/sites/default/files/documents/Rapport-citoyen-Etats-generaux-information.pdf
****** Selon un rapport de l’International Data Corporation, 26 % de la journée d’un travailleur du savoir est passée à chercher et à consolider des informations éparpillées sur plusieurs systèmes. De plus, dans uniquement 56 % des cas, l’employé trouve l’information requise pour faire son travail !