Chronique Terrienne n° 282 Passionnant est le dossier de “Sciences Humaines” de ce trimestre*. Il aborde la marche sous différents angles : des premiers hommes (Espèce ambulante) au phénomène des randonneurs d’aujourd’hui, en passant par les vagabonds et pèlerins des temps anciens**, et bien entendu aussi par la psychologie de la marche (Marcher pour se chercher)…

Pascal Picq déclare qu’il faut “sauver le nomade qui est en nous”, car notre sédentarité constitue une véritable maladie civilisationnelle. Aujourd’hui, en plus du reste, cette sédentarité (et l’obésité) menacent notre espèce. Nous sommes beaucoup moins robustes que nos ancêtres du néolithique (on observe chez Sapiens entre douze et trois mille ans, de 20 à 30% de masse musculaire et 200cm3 de cerveau en moins dans les sociétés agricoles, que dans les populations vivant de chasse et de cueillette à la même époque). Le phénomène a dû s’amplifier depuis, et ce n’est pas parce que le confort a fait prendre à certains 10 à 15 cm depuis la seconde guerre mondiale, qui va changer les choses explique le paléoanthropologue. Une personne sur dix se déclare aujourd’hui sans aucune activité physique. Nous pouvons en conclure que marcher exige donc des ressources minimales insoupçonnées. C’est un vrai marqueur culturel.

Les centres-villes piétonniers sont une idée des années 60-70 (Rouen, Strasbourg, Grenoble, etc…), mais pouvoir tout faire à pied est dorénavant le luxe suprême, tant les loyers sont élevés, surtout dans les métropoles.

En moyenne, près de 24% des parcours locaux seraient effectués à pied.*** Les moins de 18 ans et les plus de 65 ans effectuant le tiers de leurs déplacements ainsi ; ils marchent donc deux fois plus que les 45-54 ans (période souvent culminante dans les carrières)…

“Dans l’antiquité, la marche est un exercice autant spirituel que physique” nous dit par ailleurs Roger-Pol Droit. De poursuivre : “La marche est une expérience incarnée, elle engage le corps, l’espace, le temps. Observer, s’imprégner du réel, réfléchir mieux…” On marche parfois pour aller quelque part. Mais souvent, on marche parce qu’on ne sait plus trop où on en est. “Dans toutes les cultures, les humains marchent sur les traces du divin”. Introspection salvatrice, “on ne revient jamais de pèlerinage comme on est parti” dit le franciscain Dominique Joly.

Autre point abordé dans ce magazine : la démocratisation de la randonnée en montagne est un faux-semblant. Les pratiquants ont plutôt un bon bagage culturel et plus on monte (en altitude), plus on trouve de CSP+. Trois motivations principales sont évoquées par les pratiquants (dont la moyenne est de 47 ans, même si toutes les classes d’âge sont représentées) : défi physique, santé-bien être et enfin contemplation esthétique. Apparemment accessible à tous, la randonnée nécessite néanmoins des compétences. Les rotations de l’hélicoptère du CHUGA sur les massifs qui m’entourent (que de nos jours certains prennent pour un “luna-park” géant) le prouve tous les week-end. Une vrai question d’accessibilité à la nature est posée, au sens large, avec notamment un enjeu démocratique déclare Clémence Perrin-Malterre, Maitresse de conférences en sociologie à l’Université Savoie-Mont-Blanc.

Pour conclure cette Chronique (bien) Terrienne, j’ai relevé dans ce beau dossier, cette phrase (que j’aime bien) : “On a marché sur Rome, sur la Lune, pour la paix ou pour le pain. Et parfois, on a simplement marché dans une flaque…”
Que je complète en vous disant : ce n’est pas grave, on était donc déjà en marche ! JMP


* Les “Grands Dossiers” de “Sciences Humaines” : “La marche. Le plus court chemin vers soi.” (n°79 juin-juillet-août 2025, 98 pages, 9.90€) : www.scienceshumaines.com

**Vagabond, chemineux, traîneux, gouapeur, zonard ou routard… quelques dénominations des “inutiles au monde” dans les siècles passés.

***Dernière enquête INSEE “Mobilité des personnes” (la précédente avait dix ans)

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