Chronique Terrienne n° 217  Mettre deux ouvrages lus l’an dernier en parallèle m’a semblé intéressant. “L’autre à distance” est un livre document* d’Anne Muxel (sociologue au CNRS) qui tente d’expliquer les mutations associées à la pandémie dans notre intimité et nos relations avec les autres (vies familiales, amicales, amoureuses, sociales, professionnelles). Le port du masque, rupture anthropologique, défiguration du lien social ? Requalifier l’altérité ? Avec le rappel insidieux que nous ne pouvons plus nous comporter comme avant, l’Autre peut paraître menaçant, soi-même perçu comme porteur ou vecteur de menaces. La proximité, le toucher, l’étreinte, la poignée de mains, le baiser etc… La visio et le télétravail mais aussi la défiance et le tentation complotiste sont analysés par l’auteur et évidemment le confinement, la mort, le soin, la solidarité et les inégalités.

L’autre livre, “La rencontre, une philosophie”** du médiatique philosophe Charles Pépin (que je lis beaucoup), nous apporte une vision salutaire en ces temps de repli sur soi. La rencontre (amoureuse, amicale, professionnelle mais aussi culturelle et spirituelle) est au cœur de nos existences. L’étymologie latine “ex-sistere” signifie “sortir de soi”. Ce mouvement vers l’extérieur, se besoin d’aller vers les autres, n’est pas sans risque, mais il est le sel de la vie. En effet, la rencontre, la vraie, nous modifie. La rencontre crée un désir, ouvre le champ des possibles, il faut s’y engouffrer. “Le secret de l’action, disait Alain, c’est de s’y mettre” ! Parce que la rencontre est le prélude à la relation, c’est bien l’autre qui nous permet de devenir nous-même.

Alors si cette pandémie a été un rappel de notre vulnérabilité pour beaucoup, la question est bien : comment faire société dorénavant ?
Un français sur deux (49%) considérait en juin 2020 (enquête IFOP) qu’il y aura un avant et un après Covid-19 dans ses relations avec ses proches et amis.

Je vous invite à lire ces deux ouvrages, complémentaires, pour choisir en conscience, comme Rousseau, la voie que vous souhaitez prendre. Sachant que la capacité de l’homme à se perfectionner, selon le philosophe des Lumières, a son pendant, celui de retourner à son état primitif.
Notre seul destin n’est-il pas celui que les rencontres nous offrent ? JMP

* paru chez Odile Jacob en octobre 2021 : “L’autre à distance. Quand une pandémie touche à l’intime.” – Anne Muxel. ITW de l’auteur ici
** paru chez Allary Editions en janvier 2021 “La rencontre, une philosophie.” – Charles Pépin. ITW de l’auteur ici

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